Rap de "Iencli" : Comment une expression controversée a disparu du paysage musical ?

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Le rap francophone a toujours été un terrain fertile pour les débats culturels et sociaux. Parmi les termes qui ont marqué l’évolution du genre, le « rap de iencli » s’est imposé dans les années 2010 comme une expression controversée, cristallisant les tensions entre appropriation culturelle et hybridation musicale. Pourtant, en 2024, ce terme semble avoir disparu du vocabulaire courant. Alors, qu’est-il arrivé à cette expression emblématique du rap français ? Retour sur son apparition, son ascension et les raisons de son effacement progressif.

L’émergence du “Rap de Iencli” : une moquerie devenue un phénomène

Le terme « rap de iencli » apparaît dans un contexte où le rap s’ouvre à de nouvelles influences et accueille des artistes issus de milieux sociaux différents. Le mot “iencli”, verlan de “client”, désigne à l’origine une figure moquée dans les textes des rappeurs de rue : celle d’un acheteur étranger aux codes du quartier. Rapidement, cette image est utilisée pour qualifier une musique jugée éloignée des thématiques traditionnelles du rap, comme les récits de précarité ou d’inégalités sociales.

En 2015, des artistes comme Nekfeu, Lomepal, ou Orelsan deviennent les figures de proue de ce “rap de iencli”. Leurs textes, tournés vers des sujets plus introspectifs ou légers, contrastent avec les récits ancrés dans les réalités populaires. Ce décalage suscite un débat passionné : appropriation d’un genre né dans les quartiers populaires ou simple diversification artistique ?

L’apogée et les controverses

Entre 2016 et 2018, le « rap de iencli » polarise la scène musicale. Des rappeurs comme Vald sont souvent catégorisés dans cette mouvance, malgré leurs collaborations avec des artistes issus des quartiers populaires. Le débat atteint son paroxysme lorsque des critiques, artistes et internautes dénoncent le caractère réducteur et parfois méprisant de l’expression.

Certaines prises de position marquent un tournant. En 2018, Vald et Sofiane, figures issues de milieux opposés, s’allient dans un morceau ironiquement intitulé « Iencli ». Ce titre illustre une volonté d’apaiser les tensions et de souligner l’évolution inévitable du genre.

La disparition progressive d’un terme

Depuis 2020, le terme « rap de iencli » s’efface peu à peu des débats. Plusieurs facteurs expliquent cette disparition :

  • L’hybridation musicale s’accumule : Le rap continue de se diversifier, brouillant les frontières entre ses sous-genres. Des artistes comme Gazo ou Heuss l’Enfoiré montrent que le genre peut séduire à la fois les soirées étudiantes et les quartiers populaires.
  • Une remise en question du terme : Jugée stigmatisante et inadaptée, l’expression est de moins en moins utilisée par les acteurs du milieu.
  • L’évolution des publics : Avec l’explosion des plateformes de streaming, le rap s’adresse à un public plus large et plus varié, rendant les distinctions socioculturelles moins pertinentes.

Un héritage toujours présent

Si le terme “rap de iencli” n’est plus d’actualité, il reste un témoignage des mutations qu’a traversées le rap francophone. Il symbolise une période où le genre s’est ouvert à de nouvelles influences, tout en suscitant des débats sur son identité et son essence.

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