Procès de Mazan : "Tu mourras seul", le témoignage poignant de Caroline Darian face à son père Dominique Pelicot

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Hier s'est tenu le 48ème jour du procès des viols de Mazan au Palais de justice d'Avignon. La Cour criminelle du Vaucluse est chargée de déterminer la responsabilité des 51 accusés qui se sont rendus au domicile des Pelicot entre juillet 2011 et octobre 2020, pour profiter du corps de Gisèle Pelicot avec la complicité de son mari. La victime a subi une soumission chimique à maintes reprises, orchestrée par son ex-époux Dominique Pelicot, lequel invitait des hommes rencontrés sur le site Coco chez eux pour qu'ils aient des rapports sexuels avec elle. Plusieurs d'entre eux ont admis les faits ; d'autres en revanche les ont niés avec des explications parfois lunaires, après que les experts ont défini et décrit leur profil psychologique au tribunal.

Un dernier homme a été entendu le mardi 19 novembre - Philippe L. -, lequel a fait des déclarations perçues comme choquantes et qui ont à nouveau interpellé l'avocat de la victime, elle-même ayant ensuite été appelée à la barre pour s'exprimer une dernière fois, toujours en présence de son ex-époux Dominique Pelicot. Gisèle Pelicot n'y est pas allée par quatre chemins pour dénoncer une société "machiste et patriarcale", tout en soulignant qu'elle assistait depuis le mois de septembre au "procès de la lâcheté". "Il est temps qu'on change de regard sur le viol", a-t-elle déclaré, avant de renchérir : "J'ai vu défiler à la barre des individus qui nient le viol et j'ai beaucoup de mal face à cette banalité. J'ai envie de dire à ces hommes : 'À quel moment quand vous pénétrez dans cette chambre Mme Pelicot vous a donné le consentement ?', 'À quel moment face à ce corps inerte vous prenez conscience ?', 'À quel moment vous n'allez pas le dénoncer à la police ?'".

La fille de Dominique Pelicot a-t-elle été violée ?

La fille du couple - Caroline Darian - était également présente ce jour-là. Elle a même pris la parole et a tiré à boulets rouges sur Dominique Pelicot, livrant un témoignage des plus poignant alors qu'elle l'accuse d'avoir aussi abusé d'elle. "Tu mourras seul dans le mensonge", lui-a-t-elle intimé en premier lieu, cherchant à obtenir des réponses à ses questions. Son avocat Maître Antoine Camus est d'ailleurs rapidement intervenu pour rappeler à l'instigateur des viols que c'était pour lui "la dernière opportunité d'échanger avec ses enfants". Ce à quoi il a répondu par la négative, malgré qu'on lui a rappelé la possible existence de photos d'elle nue. "Consentez-vous à lui fournir une explication que vous ne lui avez pas donné, sur ces photos et ce fichier 'ma fille à poil' effacé. Consentez-vous apporter une réponse audible et humaine ?", a-t-il insisté.

En réponse à ces questions, Dominique Pelicot a expliqué qu'il ne cherchait aucunement "à la convaincre" de sa version des faits. "Je ne me souviens pas d'avoir fait ses photos. Elle se connaît mieux que moi. Si je l'avais fait, je le dirais. Je le dis droit dans les yeux, je ne l'ai jamais touchée. Je suis triste de voir certaines choses. Je suis triste de la voir diminuée. Franchement, Caroline je ne t'ai jamais rien fait...", a-t-il affirmé. "Tu mens, tu mens, tu n'as pas le courage de dire la vérité, même concernant ton ex-femme. Tu mourras dans le mensonge. Tu es seul dans le mensonge. C'est bien dommage pour toi, tu n'as pas de face", a asséné Caroline Darian, en parlant d'elle et de sa mère Gisèle Pelicot.

Caroline Darian sort du Palais de Justice d'Avignon le 19 novembre 2024© Abaca Press / Coust Laurent

Caroline Darian interpelle les pouvoirs publics

Déjà la veille, la quarantenaire avait pris la parole pour revenir sur le fait que des photos d'elle nue avaient été retrouvées dans l'ordinateur de son père au cours des perquisitions, et sur lesquelles elle paraissait pour certaines endormie ou portant les dessous de sa mère. Convaincue d'avoir elle aussi été violée, elle a fait savoir qu'elle avait dû "rentrer en clinique pour espérer retrouver la paix intérieure". "Je sais que je n'aurai jamais mes réponses. Tu n'auras jamais l'amour suffisant à l'égard de ta fille", avait-elle renchéri. Très en colère, elle avait déjà lâché des coups face à Dominique Pelicot : "Dans tes dossiers dégueulasses, tu ne me regardes pas comme un père regarde sa fille, mais de manière incestueuse. Mais tu n'auras jamais le courage de dire la vérité", avait-elle insisté, avant de poursuivre en parlant de son engagement pour que les pouvoirs publics agissent et qu'aucune autre femme n'ait à subir de viol dans les conditions de la soumission chimique.

Caroline Darian avait rappelé qu'elle militait au sein d'une association venant en aide aux victimes de soumission chimique, "parce que les Gisèle Pelicot, c'est 1 % des victimes", d'après elle. "Pour moi ce procès, c'est aussi le procès historique de la soumission chimique en France. Moi, j'œuvre en coulisses. Mais à quel prix ? Celui de ma santé mentale, au prix de ma survie et de ma réparation personnelle. Je ne lâcherai pas, je suis engagée jusqu'au bout : tant qu'on n'aura pas réussi à obtenir des mesures en France, je continuerai à me mobiliser sur le terrain", avait-elle conclu, regrettant que justice ne lui soit pas rendue en bonne et due forme.

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